17 mai 2018

Happy - Brian Taylor


Révélé avec les trips Hyper Tension et Hyper Tension 2, Brian Taylor revient en forme avec la série Happy !, gros trip drôle et vénère aux amphèt' mâtiné de touchantes fulgurances, créé par Darick Robertson et Grant Morrison.

Nick Sax est un ancien flic modèle devenu un tueur à gages, et une véritable décharge humaine. Alcoolique, violent, cynique, drogué, affreux, sale et méchant, il vogue (enfin, zigzague à contresens sur une autoroute) de contrats en débordements suicidaires en passant par quelques arrêts cardiaques. Mais son "quotidien" va se retrouver complètement bouleversé par deux évènements simultanés et liés d’une certaine manière : un contrat qui tourne mal suite à un imprévu… et l'arrivée de Happy, un petit cheval bleu avec des ailes que seul lui voit.

Happy, véritable personnage de cartoon (mais qui existe vraiment, rangez vos théories nulles sur un dédoublement de personnalité du héros), est en réalité l’ami imaginaire d’Hailey, la fille de Nick, dont il ignorait l’existence. Or, cette dernière a été enlevée et Happy est venue trouver Nick pour qu’il la sauve des griffes d’un psychopathe habillé en Père Noël : Very Bad Santa. Nick Sax va devoir défourailler sec pour trouver son chemin jusqu’à sa fille... et faire un peu la paix avec lui-même et sa lassitude de l'existence.

Nick Sax, épisode 1, moins de 5 minutes. Bonjour.

HYPER ATTENTION

Happy ! est l'adaptation des comics éponymes de Grant Morrison et Darick Robertson, crédités comme créateurs du show d'abord diffusé sur Syfy aux Etats-Unis, avant d'arriver notamment en France sur Netflix.

Une série dont on pouvait légitimement attendre le pire comme le meilleur, car elle est en grande partie réalisée par Brian Taylor, derrière cinq des huit épisodes de cette première saison (la deuxième a été commandée). Or, s'il est capable du meilleur, comme on a pu le voir avec les deux Hyper Tension avec Jason Statham (qui les ont révélés lui et son copain Neveldine) ou avec Ghost Rider 2 : L'Esprit de vengeance, il est aussi capable du franchement plus que pire avec Ultimate Game ou Mom and Dad (ou le scénario de Jonah Hex). Alors, coupons court au suspense et disons-le sans détour : allez-y, c’est de la bonne, voire très bonne si vous accrochez vraiment à cet univers vulgaire et complètement barje au style photographique grand guignolesque.

Une série qui a de la gueule

Happy ! a énormément de qualités pour elle, à commencer par le plus important pour une série qui mise à ce point sur l’action et l’hystérie collective : c’est foutrement bien rythmé et surtout très bien réalisé, et même par moment vraiment joli plastiquement parlant. Les scènes d’action ont beau être menées à fond la caisse, on sent vraiment que la lisibilité et la fluidité de l’image ont été l’alpha et l’omega de Happy !, la condition sine qua non pour qu’une prise soit validée ou non. Et à l’exception d’un combat à la hache, l’exercice est parfaitement réussi et régulièrement assez décapant.

Sur la langue le buvard stp.

L'ÉQUILIBRE DU TRASH

La deuxième plus grosse qualité de la série, c’est la maîtrise de son ton. Brian Taylor, comme d’habitude, emballe ici une série volontairement trash et outrancière, mais loin de la décadence débile ou de la provoc creuse d’un Ultimate Game par exemple. Il réussit la plupart du temps à mélanger avec succès un humour bouffon avec des violences des plus sinistres (on pèse nos mots, on n'oubliera pas de sitôt l’exhorbitante scène du Destructeur de Mondes, ni le révulsant micro-ondes).

Autre gros point fort : Happy ! a su doser exactement comme il fallait ses personnages, toujours hauts en couleurs et hyperactifs, mais jamais inutilement hystériques ou vainement gueulards. Brian Taylor ne cède donc pas à la facilité de ce côté là et n’oublie jamais de prendre le temps d’assoir ses personnages (surtout les secondaires), de leur donner ce qu’il faut de profondeur et même de temps de pauses pour qu’ils puissent se déployer autant qu’il leur est nécessaire.

Smoothie à gauche, dans la scène la plus incroyablement WTF

Du très important Blue au beaucoup plus anecdotique Le Dick (oui oui), personne n’est laissé pour compte, et ce soin apporté à l’univers fait vraiment du bien à Happy ! car il lui donne une belle cohérence et une solidité à toute épreuve (enfin presque). Les deux plus belles réussites de Brian Taylor à ce niveau-là sont très clairement Smoothie (excellentissime Patrick Fischler), dont chaque apparition est attendue avec un mélange d’excitation sadique et de terreur tétanisante, et Happy lui-même.

On vous promet, Happy est un personnage super

Si notre petit cheval bleu souffre malheureusement d’une introduction et de premières scènes assez bancales qui le feront passer pour un autre comic relief jetable et agaçant, il se révèle cependant dès l’épisode 3 être le véritable cœur émotionnel de la série qui porte son nom en plus d’être le précipité cristallisé du sentiment doux-amer qui traverse Happy ! sur l’enfance, le fait de grandir, ou sur l'innocence (ce qui forme un duo complémentaire assez efficace avec les thématiques bien plus mortifères dont Nick Sax se fait le vecteur). Pour peu que vous passiez outre ses premières apparitions un peu faiblardes, ce personnage devrait de manière assez surprenante faire vibrer une corde sensible surtout dans la deuxième moitié de la saison.

Une dynamique de buddies qui marche très très bien

PRESQUE HAPPY END

Happy ! est donc un très bon moment à passer : jamais on ne s’ennuie, régulièrement on sourit et toujours on a envie de lancer l’épisode suivant, et à l’arrivée on ne regrette absolument pas l’investissement, mais il y a bien évidemment quelques petites choses qui fonctionnent moins bien.

D’abord, à force d’enchaîner les gags trashs et les grimaces excessives, il y a nécessairement des saillies qui fonctionnent moins bien ou des scènes un peu too much. Il y a toujours un moment, une réplique, une situation au sein d’un épisode où l’on regrette un peu que Brian Taylor ne soit pas descendu d’un ton, ne se soit pas un peu plus pris au sérieux ou n'ait pas évité de verser dans des facilités racistes ou sexistes.

Jamais de quoi crier au scandale, simplement ces écarts sont un peu lourds et inutiles, en plus d’être rarement drôles (le gag de la fellation, les Chinois et leurs biscuits, bref). Happy ! souffre également d’un petit problème de cohérence vis-à-vis de ses éléments surnaturels, dont les règles demeurent assez floues voire varient un peu en fonction des besoin du scénario.

Joyeux Noël. Et surtout, la santé.

Mais le plus gros point faible de la série tient en réalité en un mot : son protagoniste. On ressent certes beaucoup d’empathie pour Nick Sax dès les premiers épisodes, mais elle s’essouffle rapidement, d’abord parce qu’on a vite fait le tour du personnage et ensuite parce qu’il les personnages secondaires ont une sacrée tendance à être plus intéressants que lui. Il faut dire en plus qu’il n’est pas très bien servi par Christopher Meloni.

C’est pourtant un excellent acteur d’habitude, mais ici, une fois l’intrigue lancée pour de bon et passée une excellente scène émotionnelle dans le métro, il a tendance à servir toujours les mêmes grimaces et s’enfermer dans un ton badass monocorde un peu lassant à la longue. Heureusement, le caractère auto-destructeur du personnage de même que son espèce de chance karmique délirante (mais presque pas assez) parviennent à maintenir l’intérêt à flot.


Enfin, on regrettera très amèrement que le dernier épisode n’arrive pas à trancher entre conclusion décisive du récit et envie de faire une saison 2. Difficile de rentrer dans les détails sans spoiler, mais il est assez agaçant de voir Happy ! rétropédaler (parfois vraiment jusqu’à l’abus) quant aux sorts de certains de ses personnages ou à la conclusion de certaines de ses intrigues. Bref, il fallait faire un choix, et pas servir deux soupes mélangées. Mais bon, ces petites scories puent tellement les greffons et les modifications faits à la va vite une fois l’évocation d’une éventuelle commande de saison 2 qu’on pardonne à Brian Taylor.

EN BREF

Autrefois, pour fuir l'angoisse du monde, on nous invitait au voyage. Brian Taylor nous invite plutôt au délire énergique, et même si la musique est un peu trop forte ou que la drogue aurait pu être un peu mieux coupée, plutôt rejoindre cette fête chaotique et déchaînée que de rester chez soi avec une tisane.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire