05 février 2018

The Cloverfield Paradox - Julius Onah


L'univers Cloverfield continue de surprendre. Après avoir livré une suite inattendue intitulée 10 Cloverfield Lane, la saga continue avec The Cloverfield Paradox, longtemps connu sous le nom de God Particle. Attendu au cinéma et repoussé plusieurs fois, le film de Julius Onah a été mis en ligne par Netflix par surprise, honorant la tradition imprévisible de la série. 

THE NETFLIX PARADOX

Une sortie annoncée en février 2017. Puis en octobre 2017. Puis en février 2018. Puis en avril. Et enfin, la rumeur Netflix, suivie d'une sortie-surprise annoncée en grande pompe avec la première bande-annonce lors du Super Bowl aux Etats-Unis. Étrange chemin que celui de The Cloverfield Paradox donc, longtemps connu sous le titre God Particle, et porté par un beau casting (Gugu Mbatha-Raw, David Oyelowo, Daniel Brühl, Zhang Ziyi, Elizabeth Debicki).

Avec son budget de 45 millions, loin des 25 de Cloverfield et des 15 de 10 Cloverfield Lane, The Cloverfield Paradox devait logiquement atterrir dans les salles de cinéma. D'autant que cette troisième histoire est la plus spectaculaire, puisqu'elle est la première à se dérouler dans l'espace, à bord d'une station où une équipe de chercheurs travaille sur une expérience dangereuse et unique en son genre, pour sauver la Terre d'une grave crise de ressources qui menace de provoquer des guerres. Pourquoi ce Cloverfield se retrouve t-il donc sur Netflix ? Probablement parce qu'il n'est pas à la hauteur.

CLOVERFIELD LAME

Comme 10 Cloverfield Lane, The Cloverfield Paradox n'était pas un film de la saga à l'origine. Et plus encore que la première suite, il laisse la nette impression que l'univers des aliens géants produits par J.J. Abrams a été introduit aux forceps dans cette histoire de réalité parallèle, qui voit l'équipage d'une station spatiale affronter d'étranges phénomènes suite à une expérience qui vire à la catastrophe.

Pendant ce temps-là, sur Terre

La structure elle-même indique clairement et tristement le lourd effort pour faire coexister deux films en un, avec d'un côté ces héros perdus dans les étoiles, et de l'autre le mari de l'héroïne, qui se réveille en pleine apocalypse sur Terre. Les éléments plus ou moins évidents qui relient ce The Cloverfield Paradox à la série (d'un décor mémorable à une certaine grosse chose, en passant par l'apparition à la télévision d'un Mark Stambler, quand John Goodman incarnait un Howard Stambler dans 10 Cloverfield Lane) n'apportent rien de plus que de maigres rations à celui qui pistera les ponts entre les films, avec une impression d'artificialité peu satisfaisante. L'origine des bestioles, sous-entendue dans l'intrigue, reste laissée de côté.

Que le film passe d'une une vague silhouette dans la fumée à une apparition spectaculaire, finalement lancée à la face du spectateur programmé pour attendre sa dose, témoigne bien de l'impossible équation derrière ce projet bancal. A l'heure où les univers étendus sont devenus la nouvelle obsession des studios, l'univers Cloverfield, pourtant si charmant hier, a muté en un machin indéfinissable, à la mythologie fourre-tout et de moins en moins divertissant.

SUPER F-HUIT

The Cloverfield Paradox est par conséquent l'entrée la plus faible de la série, loin de l'effet de mystère-surprise du premier film en found footage, et de l'efficacité irrésistible de la modeste suite de Dan Trachtenberg avec Mary Elizabeth Winstead. Après un bon départ qui oriente le film vers une aventure spatiale premier degré à la Sunshine (un groupe de diverses nationalités envoyés dans l'espace pour sauver l'humanité), la chose déraille vers une formule de série B, à base de dimension parallèle, phénomènes mystérieux et mises à mort graphiques. Sauf que le résultat est loin d'offrir les sensations fortes, les images marquantes ou les personnages un minimum solides indispensables à la formule.

Daniel Brühl et Zhang Ziyi

Ce qui aurait pu donner un petit cauchemar en huis clos parfaitement sympathique dans la lignée du récent Life - Origine inconnue, se révèle néanmoins d'une platitude étonnante, notamment vu le budget confortable (le magnifique Sunshine de Danny Boyle a coûté moins cher). Hormis une ou deux mises à mort éventuellement amusantes, The Cloverfield Paradox se résume à une suite de scènes banales et désincarnées dans des couloirs bien éclairés, où une bande d'hommes et femmes a priori intelligents aura besoin d'un long moment avant d'imaginer que le chaos ambiant a été causé par leur machine expérimentale - alors même qu'ils écoutaient juste avant un illuminé dire à la télévision qu'ils allaient déchirer l'espace-temps et libérer les enfers.

Lorsque l'action s'emballe et offre de l'explosion ou de la sensation, rien de bien extraordinaire, excitant ou vu mille fois ailleurs et en mieux au rayon science-fiction. La sortie dans l'espace à grand renfort d'effets spéciaux manque de souffle, les sacrifices et morts s'enchaînent sans passion, les moments traités comme des révélations semblent parfaitement artificiels, et la galerie de personnages est d'une fadeur affolante.

L'accent mis sur l'héroïne incarnée par Gugu Mbatha-Raw, vue dans Free State of Jones ou encore un des meilleurs épisodes de Black Mirror, condamne l'histoire à tourner au pamphet pro-famille d'une niaiserie exaspérante, quand les seconds rôles se révèlent parfaitement inconsistants - mention spéciale à Zhang Ziyi, qui ne parle pas anglais pour de mystérieuses raisons. C'est particulièrement tragique avec en main des acteurs aussi solides que David Oyelowo, Daniel Brühl et Elizabeth Debicki.

Gugu Mbatha-Raw méritait mieux.

L'ODYSSÉE PAS ÉPAISSE

Si The Cloverfield Paradox a pour lui une direction artistique ultra-classique mais certainement agréable, avec notamment la photo très clinquante de Dan Mindel qui avait officié sur les Star Trek et Star Wars : Le Réveil de la Force de J.J. Abrams, il laisse l'étrange impression d'un film sans queue ni tête. S'y croisent des scènes de dialogues d'une banalité effarante pour quiconque a vu quelques films du genre, des percées quasi-comiques parfaitement absurdes, des moments pensées comme purement horrifiques, des tentatives d'aller dans le spectacle hollywoodien et des désirs de questionnements très sérieux sur la vie. 

L'esthétique spatiale de sous-Star Trek.

Le cocktail ne donne rien de bien satisfaisant, et laisse surtout imaginer une version alternative, qui aurait simplement assumé une dimension plus modeste et évidente, centrée sur un équipage subitement perdu dans l'espace. Là, avec une gentille envie de flirter avec le Event Horizon de Paul Anderson perceptible ça et là, ce Cloverfield 3 aurait certainement pu devenir le penchant SF de 10 Cloverfield Lane, et donc une réjouissante série B qui n'a nul besoin de multiplier les plans à effets pour faire de l'œil au spectateur, jusqu'à un final qui semble avoir été scotché pour justifier le titre. Le seul paradoxe de ce troisième film, c'est son gros budget, son gros casting, ses grosses ambitions, et son tout petit résultat.

EN BREF

The Cloverfield Paradox est l'épisode le moins réussi, le moins sympathique, et le plus apte à prouver que ce projet d'univers Cloverfield est une bien mauvaise idée.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire