11 février 2018

Le Rituel - David Bruckner


David Bruckner est l'un des artisans du cinéma d'horreur actuel, mais pas forcément le plus démonstratif. Après V/H/S/, The Signal ou encore Southbound, il retourne dans le fantastique une nouvelle fois avec Le Rituel et signe, au passage, probablement son meilleur film. En tout cas, le plus abouti.

Plus qu'aucun autre, le cinéma d'horreur est un genre ultra balisé, avec ses figures imposées et ses clichés incontournables. Si Le Rituel n'entend jamais casser ces codes en vigueur depuis des décennies, il ne s'interdit pas, par contre, d'en jouer et de les agrémenter à sa sauce pour faire vivre à son spectateur une expérience assez traumatisante. Disons-le d'emblée, Le Rituel rappelle énormément dans son principe le cultissime The Descent de Neil Marshall, sorti il y a (déjà) 13 ans. Et, loin de constituer un handicap, cette filiation spirituelle devient pour David Bruckner un véritable acte libérateur.

Quatre amis face à des trucs bien chelou

SKOL OFENSTRU

Comme dans The Descent, nous nous retrouvons face à une histoire de deuil impossible, de dépression et de culpabilité. En l'occurrence celle de Luke qui a assisté à la mort de Rob, un ami d'enfance, dans le braquage d'une supérette. Transi par la peur, il n'est pas intervenu, alors qu'en plus leurs potes les attendaient dehors. 6 mois plus tard, les quatre amis décident d'effectuer la randonnée que leur avait proposé Rob le soir de sa mort : un trekking en Suède où ils lui rendent un dernier hommage. Mais, en déviant du chemin qui les conduit au refuge, ils sont surpris par l'orage et tombent sur une cabane abandonnée où ils décident de passer la nuit. Probablement la plus mauvaise décision de leur vie. 

Nous n'irons pas plus loin dans le résumé de l'histoire (qui dévoile le premier quart du film) parce que Le Rituel compte énormément sur sa surprise pour impressionner son spectateur. Et il y arrive parfaitement. Evidemment, le spectateur aguerri de ce genre d'histoire reconnaîtra immédiatement les balises posées par un scénario qui n'en déviera jamais vraiment. Pourtant, malgré une attention de tous les instants, le fan se fera quand même balader, parce que l'histoire du Rituel n'est de loin pas le coeur du film.

Rafe Spall, excellent

PAS UN NOUVEAU PROJET BLAIR WITCH

Ce qui frappe d'emblée, c'est l'excellence de son design sonore, sa gestion du silence, ses bruitages environnants familiers et inquiétants. Le Rituel pose en quelques plans une ambiance ultra efficace qu'il ne quittera jamais jusqu'à son impressionnante conclusion. La forêt est un labyrinthe étrange qui en appelle à notre imagination débordante lorsque nous perdons nos repères et que nous essayons de résister à la peur. Dans le même ordre d'idée, les personnages du film sont admirablement bien construits. Basiques certes, mais tellement bien définis que l'on croit sans problème à cette bande de potes unis dans la douleur et une situation qui les dépasse. Chacun a son rôle, sa fonction, sa logique et une bonne partie de leurs relations se base sur ce soutien mutuel tout autant que sur les doutes vis-à-vis de ce qu'ils vivent. Si les quatre comédiens sont très bons, c'est bel et bien Rafe Spall qui emporte le morceau, excellent, totalement investi dans son rôle, dévoilant une palette d'émotions tout aussi complexes que contradictoires et intenses.

Dépasser le trauma, facile à dire...

L'autre grande qualité du film, c'est la gestion de son horreur et de son argument fantastique. Jusqu'au dernier acte, plus brut de décoffrage et donc plus classique, Le Rituel construit son mystère avec une certaine maestria, par suggestions, apparitions éclairs en arrière-plan, dans le flou de la profondeur de champ. Il gère tout aussi bien ses quelques jump-scares, jamais intempestifs, toujours justifiés et ô combien efficaces. Pour dire les choses comme elles sont, même si le film ne se regarde pas sur un écran de cinéma (ce qui est fort dommage), il fonctionne et parvient à nous coller cette frousse de l'inconnu et de l'obscurité que nous n'avions plus vraiment ressenti depuis... The Descent justement. Ajoutons à cela la très belle facture visuelle du film, la forêt est magnifique, les jeux d'ombres et de lumière parfaitement maîtrisés  tour à tour glaçants et rassurants jusqu'à la découverte d'une cruelle réalité que le film nous fait accepter de façon totalement naturelle parce que ses personnages nous ont permis, dans leurs réactions et leurs questionnements, d'y croire autant qu'eux. Non, vraiment, Le Rituel est un petit bijou à ne pas manquer.

EN BREF

Beau, terrifiant, sombre, dépressif, émouvant, Le Rituel est très loin de la copie crainte et prouve qu'en utilisant les codes du genre à bon escient, on peut proposer une aventure intense et troublante sans pour autant se trahir. Disponible sur Netflix.

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