11 mai 2017

Alien Covenant - Ridley Scott


Cinq ans après un Prometheus qui aura engendré nombre de débats passionnés en nous proposant de réinventer la mythologie Alien, Ridley Scott continue d'interroger la légende qu'il a forgée à l'occasion d'Alien : Covenant. Conscient des reproches formulés à l'égard du précédent volet, le réalisateur poursuit la mutation de cet univers, avec l'intention d’asseoir une nouvelle fois la figure du Xénomorphe au sommet de la chaîne alimentaire de l'horreur.


PARADIS PERDU

L'équipage du Covenant traverse la galaxie avec à son bord des milliers de colons en cryo-sommeil, destinés à coloniser une lointaine planète habitable. Suite à une avarie, le personnel de bord est sorti d'hibernation, juste à temps pour capter un étonnant message, manifestement d'origine humaine, provenant d'un astre inconnu, qui a tout d'un paradis terrestre. Il s'agit en réalité d'un piège qui va se refermer sur eux et broyer leurs idéaux.

Scott a entendu les complaintes outrées des spectateurs agacés par ses questionnements cosmogoniques et, si les Ingénieurs ne sont pas totalement absents de cette nouvelle aventure horrifique, le cinéaste a décidé de changer son fusil d'épaule. En effet, Alien : Covenant opte pour un rythme extrêmement dense, resserré et adopte très rapidement une structure proche du slasher, tendance série B énervée.

Menace pléthorique et omniprésente, prédation ultra-violente, le malheureux équipage du Covenant n'aura pas droit à une seconde de répit. Gorgé d'une misanthropie qui confine souvent au nihilisme, le scénario se veut une machine de mort impitoyable lancée sur une galerie de personnages sacrificiels. La mise en scène tour à tour brute et nerveuse de Scott confère à ce jeu de massacre une très grande intensité, qui surprend tout d'abord par son apparente froideur, avant que le film ne dévoile véritablement où il entend diriger notre empathie.


LA TOILE DE DAVID

Car si nos piteux colons se transforment rapidement en buffet ambulant, c'est qu'Alien : Covenant ne s'intéresse pas tant à eux qu'au véritable héros de cette nouvelle saga. Il s'agit bien sûr de David, qui devient plus que jamais un anti-Ripley, une figure vertigineuse de démiurge, à mi-chemin entre Faust, Prospero et Frankenstein.

Au coeur de ce chemin de croix, qui a substitué la peur de la maternité du Huitième Passager à une terreur séminale plus masculine, ce héros négatif, touchant dans sa quête d'un absolu mortel et indépassable, charrie avec lui une esthétique troublante, riche de références au romantisme allemand. Il confère à Covenant une richesse thématique et une poésie macabre qui s'hybrident curieusement avec la déferlante de violence graphique issue du cinéma d'exploitation.

Son importance et le traitement que le script réserve à ses protagonistes croyants nous donne également à voir une évolution radicale de l'oeuvre de Ridley Scott. Si ce dernier a toujours appréhendé ces personnages avec une distance loin d'être bienveillante, il paraît, depuis le décès de son frère Tony, plus révolté que jamais contre les fausses idoles ou illusions spirituelles des personnages qu'il déploie.


Dans le sadisme qu'organise le metteur en scène pour mettre à l'épreuve son équipage, on lit un rapport désormais totalement désenchanté au monde, une défiance complète à l'égard des marchands de rêve et de transcendance bon marché. Presque 40 ans après nous avoir alliés à Sigourney Weaver dans sa lutte contre une déité bio-mécanique meurtrière, Scott s'est définitivement rangé du côté de la créature, de sa perfection synonyme de pureté.

FAIS-MOI MAL

Radical et fiévreux, Alien : Covenant distille avec cruauté quelques puissants moments de cinéma. Il suffit à Ridley Scott d'un traveling semi-circulaire et d'un dialogue en apparence anodin autour de l'apprentissage de la musique pour nous faire comprendre le magnétisme diabolique de son héros maléfique et sa maîtrise du médium.

Il ne renonce pas pour autant à relire, réinventer et détourner les figures matricielles de la saga. Les irruptions de l'abominable Spineburster devraient rester dans les mémoires, tant elles frappent par leur ignominie sanguinolente. À la fois plus léger et plus profond que Prometheus, ce chapitre en forme d'hommage enragé à la première trilogie Alien réussit à divertir intensément, et a la bonne idée de se conclure de vicieuse manière, offrant à ses personnages un futur terrain de jeu aussi retors que létal.


EN BREF

Alien : Covenant joue simultanément la carte du film d'exploitation régressif et enragé, tout en ménageant de passionnantes pistes symboliques. Il gagne sur les deux tableaux.

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