25 novembre 2017

Jim et Andy - Chris Smith


Depuis 1999, Man of the Moon s’est progressivement hissé au rang de petit film culte, vénéré par les amateurs de comédie mélancolique, ou tout simplement admirateurs du génie de Jim Carrey. S’investissant totalement dans le rôle de l’humoriste Andy Kaufman, sa performance est devenue légendaire, le studio s’opposant à la publication des bobines censées devenir le making-of du film, jugées trop bizarroïdes. C’est ce trésor pour cinéphiles que Netflix vient d’exhumer.

METHOD MAN

Jim & Andy : The Great Beyond pourrait n’être qu’un curieux bonus DVD auréolé de mystère et d’une aura de culte, à la manière d’un bon vin, suffisamment vieilli pour que le cinéphage gourmet se pourlèche les babines. Pour notre grand bonheur, le documentaire de Chris Smith est bien plus que cela. Au-delà des nombreuses anecdotes qu’il recèle (et du sincère plaisir qu’elles procurent), l’œuvre qui nous intéresse propose une plongée vertigineuse dans la psyché supposée de Jim Carrey, un hommage bouleversant aux créations tordues de Kaufman, et in fine un labyrinthe mental aussi angoissant que passionnant.


Si le Method Acting et ses principes d’immersion sont progressivement devenus autant d’arguments promotionnels pour les studios – on se souvient du tintamarre autour de la performance de Jared Leto dans Suicide Squad ou plus récemment dans Blade Runner 2049 – ce qu’en fait Jim Carrey, ou plutôt ce que cette technique fait de l’artiste, est proprement ahurissant.

Ainsi qu’il l’explique, sitôt son embauche par Milos Forman formalisée, le comédien va littéralement devenir Andy Kaufman. Kaufman le fou, Kaufman le génial inventeur de canular, Kaufman le volcanique marionnettiste de moult avatars.

Jim Carrey en Andy Kaufman

CARREY LE PETIT FANTOME

D’abord hanté par le spectre de son mentor, Carrey semble progressivement s’effacer, comme possédé par ce double fantomatique et fantasmatique. Non seulement le processus est un cheminement venimeux dont le spectacle sidère, mais il a cela de génial qu’il pose sans cesse la question du dispositif même de la fiction.

Jusqu’où l’acteur joue-t-il ? Façonne-t-il à la manière de son maître un improbable canular, un jeu de dupe à l’ambition dévorante, ou s’est-il perdu dans un jeu de miroir qui lui interdit de se distinguer de son reflet déformé ? Où commence le mythe, ou s’arrête la captation du réelle. Questions basiques, voire académique, mais qui prennent ici un tour neuf, une incarnation absolument démente.

Le génie et son double

JIM AU CARREY

Enchevêtrement d’images d’archives troublantes, hommage poignant à Kaufman, Jim and Andy : The Great Beyond est aussi une formidable déclaration d’amour à Jim Carrey, dont les failles béantes contaminent le film dès son premier photogramme.

L’ensemble est rythmé par l’entretien que mène Chris Smith avec l’artiste. Les yeux incandescents et fixés sur un point évanescent, Carrey arbore un sourire dont on ne sait trop s’il maquille d’euphorie une dépression implacable, ou le contraire. L’ensemble est d’autant plus fort que Carrey ne s’épargne pas. En témoigne la franchise avec laquelle il témoigne de ses outrances les plus gratuites, courageuses ou odieuses. De cette profusion de trouble naît le sentiment beau et terrible, que le grand Jim ‘est jamais vraiment revenu de sa valse désaccordée Andy, dès lors, le film prend des airs funèbres, presque fantastiques, récit sinueux d’u exorcisme raté.


Pour qui apprécie l’acteur, la tranquille témérité avec laquelle il se met à nu, ou le génie avec lequel il parvient à nous convaincre qu’il accomplit ce geste, sont bouleversants. Près de 20 ans après la sortie de Man of the Moon, le documentaire en est un formidable écho, une mise en abîme stupéfiante, accomplie avec une révérence qui force le respect.

EN BREF

Jim Carrey nous convie dans le labyrinthe où il s'est lui-même perdu. une plongée en apnée, entre génie et démence, dans l'ombre du fascinant Andy Kaufman.

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