31 mars 2017

A Cure for Life - Gore Verbinski


Derrière le faiseur de blockbusters, qui a connu la gloire avec la trilogie Pirates des Caraïbes et la honte avec Lone Ranger, il y a un cinéaste plus humble, qui a brillé avec le remake de Ring et The Weather Man. Après plusieurs années d'absence, Gore Verbinski est de retour avec un film de genre tordu, aux dimensions plus discrètes, où un homme d'affaires interprété par Dane DeHaan enquête sur les coulisses inquiétants d'une station thermale miraculeuse. 


DARK WATER

Gore Verbinski avait prouvé avec le remake hollywoodien Le Cercle - The Ring qu'il était plus que capable d'instaurer une ambiance délicatement effrayante, grâce à une mise en scène précise, une direction artistique soignée et une fine gestion des effets. Avec A Cure for Life, il se libère d'un poids : un scénario original et l'un des plus petits budgets de sa carrière.

Le film reflète cette configuration. Tordue, obscure et lancinante, cette plongée ténébreuse dans les coulisses terrifiants d'une station thermale miraculeuse résiste aux attentes et aux codes avec une assurance désarmante. Elle rappelle aussi, par sa longueur excessive et ses errances narratives, toutes les faiblesses du réalisateur de Pirates des Caraïbes et Lone Ranger, particulièrement gênantes sur un territoire si fabuleux.


LE SECRET DE LA CURE MAUDITE

Dans un premier temps, A Cure for Life emballe et envoûte par son univers et sa direction artistique. La magnifique photo de Bojan Bazelli, déjà à l'oeuvre sur Le Cercle, impose d'emblée une vision saisissante et anxiogène du monde. Les cadrages stylisés et le montage précis créent ce sentiment fabuleux d'être emporté dans une dimension parallèle, où les reflets et couleurs des buildings new-yorkais semblent sortir d'un cauchemar.

Filmé par Gore Verbinski, n'importe quel couloir et n'importe quel figurant s'illumine. Sous le ciel nuageux ou dans les sous-sols humides, il déploie avec un plaisir évident ses outils de cinéaste, organisant à merveille l'action et les cadres pour composer une horreur sournoise. Le décor de la station thermale est très réussi, et le film offre de nombreuses images marquantes, à mi-chemin entre la poésie et l'horreur pure, avec une poignée de moments susceptibles de faire grincer les dents sensibles.


TRAITEMENT DES CHOCS

Mais Gore Verbinski se repose trop sur sa mise en scène : le réalisateur a beau avoir un sens extraordinaire de l'image et du son, il a trop confiance en lui pour avoir conscience de ses faiblesses. A Cure for Life ressemble ainsi plus à un livre d'images qu'à un film : un interminable livre d'images, si lourd qu'il en perd toute substance et se mue peu à peu en une entreprise clinquante mais creuse.

Avec ses airs de Traitement de choc avec Annie Girardot et Youth de Pablo Sorrentino, A Cure for Life tente ainsi de construire un labyrinthe ténébreux, entre expériences scientifiques tordues et société secrète tentaculaire. Le mélange amuse, notamment parce qu'il recycle des motifs de série B avec un goût immodéré. Sauf que l'intrigue est incapable d'organiser tous ces éléments, et se contente de les accumuler sans chercher à créer une harmonie - voir un sens quelconque dans certains cas.

La manie de Gore Verbinski à étirer excessivement ses films (2h29 pour Lone Ranger, entre 2h23 et 2h48 pour Pirates des Caraïbes) enfonce un peu plus A Cure for Life. Au fil des scènes, des digressions et des dialogues forcés, c'est une véritable hémorragie à laquelle on assiste, et qui vide peu à peu le film de sa force.


DIAGNOSTIC VITAL

Que reste t-il alors ? Des ambitions séduisantes, un univers fascinant, des moments mémorables. La première séance aquatique dans la cuve, le sous-sol de la peur, une séance improvisée chez un dentiste, ou encore un visage qui en cache un autre. 

Avec un scénario plus solide, avec moins de stéréotypes vides et plus d'enjeux excitants, Gore Verbinski aurait certainement livré une oeuvre folle et instantanément culte. En l'état, A Cure for Life s'apparente à un exercice de style troublant et moyennement satisfaisant, dont le pouvoir de fascinantion ne résiste pas à la fragilité narrative. C'est d'autant plus dommage que ce type de production intermédiaire (un film de genre à 40 millions de dollars, sans star) est une denrée rare et appréciée.


EN BREF

Gore Verbinski rappelle qu'il est un réalisateur plus que compétent, capable d'instaurer une ambiance fabuleuse et orchestrer des scènes sensationnelles. Il confirme aussi, de manière déplorable, qu'il lui manque un vrai sens de la narration avec ces 2h27 interminables et peu satisfaisantes.

26 mars 2017

La Dernière maison sur la gauche - Wes Craven


Certains films ont pour qualité première d’avoir été là avant tous les autres. Reconnus pour leur importance historique, ils sont arrivés au bon endroit, au bon moment. Célébré pour sa transgression, La Dernière maison sur la gauche possède une réputation sulfureuse qui semblera extrêmement exagérée pour le spectateur d’aujourd’hui.


MARI ET PHYLLIS SONT SUR LE MAUVAIS BATEAU

Reprenant l’engagement politique d’un George A. Romero et le côté festif dans l’horreur d’un Herschell Gordon Lewis, Wes Craven exploite le fantasme des serial killers sans foi ni loi. Le thème, cher au cinéma américain, qui aura engendré des œuvres aussi essentielles que Badlands, Massacre à la tronçonneuse, Henry ou The Devil’s rejects, se veut ici un portrait de la société américaine en pleine guerre du Viêt-Nam. L’homme est un loup pour l’homme, nous dit Craven. Et toutes les horreurs sont possibles si les circonstances s’y prêtent. Rien de bien nouveau en somme, et Orange Mécanique venait d’enfoncer définitivement le clou un an auparavant.


Qu’apporte donc Craven ? Un surcroît de complaisance, en particulier avec de petits effets gores un peu incongrus. Une grosseur de trait, souvent embarrassante (le montage parallèle entre les parents préparant l’anniversaire de leur fille et la première agression de celle-ci). Une maladresse qui crée le malaise, jusque dans l’ennui lancinant qui plombe le film(l’enquête des deux policiers, la découverte de l’identité des meurtriers par les parents).

DERNIÈRE MAISON... DE RETRAITE ?

Les fulgurances sont bien présentes, mais elles ont perdu de leur impact, les transformant presque en petits exercices de sadisme un peu gratuit. La Dernière maison sur la gauche a ainsi beaucoup vieilli, et ses nombreux défauts ressortent d’autant plus à présent que le scandale est oublié. Néanmoins, on ne peut nier l’importance de l’œuvre dans l’histoire du cinéma de genre. Le cinéphile averti ne peut contourner cette date, ne serait-ce que pour mettre en perspective le statut de film culte relativement surestimé.


EN BREF

La Dernière maison sur la gauche a beau être un classique du film d'horreur immanquable et une date importante dans l'histoire du cinéma, force est de reconnaître qu'aujourd'hui le film a pris un sacré coup de vieux.

15 mars 2017

Chrono-Critique : Apollo 13 - Ron Howard


"Allô, Houston ! Rien ne va plus ! Les convertisseurs XB 12 ne fonctionnent plus !" "Apollo ? Ici, Houston. On va s'en sortir. Recharger les obturateurs H2O, fermer les valves des XZ 38 et n'oubliez pas la clé de 20 !

Les astronautes les plus déters du monde libre.

Avec Apollo 13, Ron Howard réussit l'exploit sémantique de tenir en haleine le public avec des dialogues dont seuls les mécanos de la NASA saisiront toute la teneur poétique. Cette nouvelle superproduction spatiale relate par le détail l'aventure de la mission Apollo qui avait failli capoter suite à une défection des réservoirs à oxygène ­ les plus anciens s'en souviennent peut-être, l'Amérique entière était suspendue à son poste pour suivre le périlleux retour de la capsule sur Terre. Les astronautes ayant finalement réussi à revenir sains et saufs, Apollo 13 se transforma en l'une de ces gigantesques catharsis collectives qui permettent régulièrement à l'Amérique de se ressouder autour de sa certitude d'être la plus grande nation du monde. Toujours prête à refouler la notion d'échec, l'Amérique, par la voix de la NASA, parla de "successfull failure". C'est ce ratage transformé en réussite éclatante, sujet idéal pour une superproduction, que s'attache à filmer Ron Howard. Archicompétent techniquement, mais dépourvu du moindre gramme de personnalité, Apollo 13 est bien à l'image de Ron Howard, pur produit gentil et ennuyeux des banlieues Wasp. 

Décollage de fusée = kiki tout dur !

L'aspect technologique du film est irréprochable : l'entraînement des astronautes, le décollage de la fusée, la vie quotidienne à bord du vaisseau, les petits gags liés au phénomène de l'apesanteur ­ tout cela est filmé avec un réalisme scrupuleux, quasi documentaire. Simplement, il faut aussi se farcir tout le sirop idéologique habituel sur le courage des p'tits gars, la solidarité de la nation menacée, l'émotion d'une mère et d'un gosse quand papa Tom Hanks est en danger de mort, les couilles en béton de l'Amérique quand elle passe à l'action ­ bref, même si Ron Howard nous disait benoîtement qu'il s'agit juste d'entertainment, Apollo 13 ressemble furieusement à une grande pub pour la nation américaine, diffusée sur tous les écrans du monde. Le commandant de la base de Houston est interprété par Ed Harris, clin d'œil à L'Etoffe des héros. Sauf que le lyrisme et la dimension poétique que Philip Kaufman avait su insuffler à son film sont totalement absents d'Apollo 13. Ron Howard propose avec beaucoup de savoir-faire ce mélange froidement calculé d'ingrédients propres à rameuter le grand public ; loin d'être dans la lune, les créateurs d'Apollo 13 sont on ne peut plus terre à terre.

09 mars 2017

Silence - Martin Scorcese


Rangez les flingues, planquez la coke et les putes, Martin Scorsese vous plonge dans le Japon du XVIIème siècle, aux côtés de deux missionnaires partis à la recherche de leur mentor. Le vin de messe est-il bouchonné ?


CATHO CASINO

Pour de nombreux spectateurs, Martin Scorsese est le génial réalisateur des Infiltrés, de Casino, des Affranchis, de Taxi Driver ou de Mean Streets. Un metteur en scène du crime, du mal, de son attraction, et des tentatives désespérées de rédemption de personnages écrasés par le poids de leurs actes et de leur force symbolique. C’est oublier que Scorsese est aussi l’architecte d’œuvres souvent moins considérées, mais qui composent autant de cathédrales filmiques (A tombeau ouvert), d’expérimentations plastiques radicales (Les Nerfs à vifs) et de dissertations ferventes (La Dernière Tentation du Christ).

Silence appartient à cette seconde catégorie, sans doute moins flamboyante et immédiatement iconique, mais tout aussi riche et forte. Ce récit de la crise existentielle traversée par des missionnaires catholiques au beau milieu du Japon du XVIIème siècle est à première vue très éloigné des derniers efforts de son auteur. Oubliez l’hystérie fatiguée du Loup de Wall Street, l’hommage compassé d’Hugo Cabret ou le formalisme de Shutter Island. Le métrage qui nous intéresse aujourd’hui prolonge la réflexion portée sur son parcours et son œuvre, mais empreinte une toute autre voie, à l’esthétique de prime abord empreinte de sérénité.


A TOUCH OF ZEN

La mise en scène de Scorsese est ici millimétrée, racée, mais toujours collée à des personnages dont elle épouse les troubles au fur et à mesure qu’ils progressent et les éreintent. Régulièrement, l’intervention des personnages secondaire amenant nos deux héros à éprouver leur foi vient parasiter, par le biais du montage, un dispositif dramaturgique d’une grande simplicité. Un champ-contre-champ limpide se trouble alors que nos missionnaires s’affrontent sur la question de l’apostasie, nous permettant de ressentir organiquement comment les concepts se heurtent violemment à leur incarnation.

On pourra être rebuté par l’essence profondément théologique du sujet, par l’emphase portée sur un sujet en apparence strictement religieux. Mais ce serait mal connaître Scorsese que ne pas comprendre que les problématiques qu’il explore ici animent son œuvre depuis des décennies. Plutôt qu’une digression académique, c’est à un zoom à l’intérieur même des mouvements philosophiques qui travaillent son cinéma qu’il nous convie.


CINEMA CULPA

Au-delà de sa délicatesse formelle, de ses passionnantes implications philosophiques, Martin Scorsese partage avec le public un questionnement qui semble le tarauder depuis des années. L’artiste explore depuis le début des années 2000 des formes, des récits, des genres qui questionnent son rapport au cinéma. Et pour un peu, l’auteur de ces lignes l’aurait bien qualifié de moribond après un Loup de Wall Street en forme de caricature lessivée de ses grands œuvres. Ce n’est sans doute pas pour rien que depuis des mois, le metteur en scène livre dans de longs entretiens ses doutes sur l’avenir du Septième Art.


Car quand Scorsese met en scène deux personnages s’affrontant sur la question de la Foi, se demandant comment l’exprimer, comment la transmettre, la protéger, comment incarner le Verbe et comment transformer de simples concepts en des transpositions de chair, il nous parle évidemment de son rapport angoissé au cinéma.

Il y a quelques semaines seulement, le cinéaste expliquait devant les membres de l’Associated Press qu’il ne voyait plus comment communiquer avec les nouvelles générations et s’inquiétait publiquement de l’impossibilité dans l’industrie actuelle de produire des images porteuses de sens. C’est précisément cette question qui est au cœur de Silence. C’est précisément cette question et les pistes de réflexion portées avec brio par Adam Driver et Andrew Garfield, qui font du film un évènement précieux, méditatif et beaucoup plus universel que son sujet spirituel ne le laissent deviner.


EN BREF

Réflexion vertigineuse sur la Foi et sur la transcendance, Silence est un Scorsese inattendu, un testament esthétique miraculeux.

03 mars 2017

The OA : analyse et explications de la fin


Analyse de la saison 1

The OA suit le parcours de Prairie, une jeune orpheline russe et aveugle qui a vécu une expérience de mort imminente. Elle a été adoptée par des parents américains. Devenus jeune adulte, elle fugue pour retrouver son père biologique et se fait capturer. Au début de la saison 1, Prairie / The OA retourne chez ses parents et décide de raconter, en plusieurs nuits, son histoire à une bande de jeunes du quartier et à une enseignante. Via son récit, nous découvrons à la fois l'enlèvement dont elle a été victime, ses tentatives d'évasion et ses pouvoirs surnaturels.

NDE/ EMI, qu'est ce que c'est ?

NDE signifie Near Death Experience. EMI signifie Expérience de Mort Imminente. Prairie, mais aussi les autres personnages enlevés par Hap, ont vécu des expériences similaires. Le scientifique cherche à analyser le phénomène et faire des découvertes nouvelles qui feraient de lui un nom reconnu dans le domaine, quitte à enfreindre la loi.


Il n'hésite pas à capturer plusieurs personnes et à mener des expériences, allant jusqu'a les tuer, pour avancer dans ses recherches. Les personnes capturées sont appelées "Les anges" par Prairie. Parmi eux, Homer, également intérêt romantique du personnage principal. Ensemble, ils vont mettre en place une série de mouvements qui leur permettra d'ouvrir un portail vers un autre univers.

The OA, qu'est-ce que c'est ?

The OA, cela signifie The Original Angel, l'ange originel. C'est Kathun, le guide spirituel que Prairie rencontre durant ses expériences de mort imminentes, qui révèle que Prairie est The Original Angel.

Mais The OA peut avoir une signification plus terre à terre. Prairie dit avoir créé ce mot à partir d'un son. Or, The OA, c'est très proche de DOA "Dead on Arrival", qui signifie Mort à l'arrivée.


Sinon, The OA, c'est aussi très proche de Théo A, le frère décédé de Betty. Simple hasard, clin d'oeil des scénaristes ou véritable indice ?

Explications de la fin

Dans le dernier épisode la saison 1, le lycée se fait attaquer. A aucun moment on ne voit le tueur. Y at-il une raison particulière à cela ? C'est certain, mais rien ne dit qu'on en saura plus durant la saison 2. La volonté des scénaristes est peut-être justement d'ajouter un peu de mystère, à moins qu'il s'agisse d'un personnage que l'on connaît déjà. Qui aurait le profil pour ? Peut-être l'une des victimes de l'enlèvement par Hap.

Revenons concrètement à la scène du massacre. Buck, French, Steve, Jesse et Betty, pour contrer le tueur fou, décident de répéter les mouvements censés ouvrir le chemin vers une autre dimension. Cette séquence a beaucoup divisé les spectateurs. Certains ont été très émus, d'autres l'ont trouvé plutôt ridicules. Quoiqu'il en soit, on peut s'interroger, comme pour beaucoup d'éléments, sur l'action des cinq "héros".


Les mouvements ont-ils réellement eu un impact "surnaturel" sur les évènements ? En apparence, non, rien de ne l'indique. Il semble que le tueur a juste été distrait. Après, rien ne dit qu'ils ne sont pas vraiment "partis", puisque le fait de partir semble être indicible. Surtout, Prairie, elle, semble partir dans un autre monde, retrouver Homer.

Ce final nous fait clairement comprendre un chose : sans parler de religion, The OA parle de la foi. Sommes-nous capables de croire ce que l'on nous dit plutôt que ce que l'on voit ? Buck, French, Steve, Jesse et Betty choisissent de croire Prairie et sauvent de nombreuses personnes. Est-ce qu'il y a une dimension surnaturelle, ou juste le pouvoir de la volonté ? C'est une énigme qui est pour le moment sans réponse, mais qui ne nous a pas empêché, nous, spectateurs, de nous laisser embarquer dans le récit de Prairie. Chacun est libre, à la fin de la saison 1, de croire Prairie malgré les preuves et la logique qui vont contre son histoire.

Sa blessure et son trajet en ambulance nous laissent supposer qu'elle va vivre une nouvelle expérience de mort imminente. Est-ce que cela va lui permettre de rejoindre une autre dimension, comme elle le souhaitait, ou va-t-elle seulement mourir ?