28 février 2017

John Wick : Chapitre 2 - Chad Stahelski


Succès surprise de 2014, John Wick a sorti du coma les amateurs d’action et la carrière de Keanu Reeves. Délesté d’un de ses deux réalisateurs, gonflé à bloc et nanti d’un budget conséquent, mais aussi d’une attente décuplée, sa suite fera-t-elle encore mieux ?

DOUBLE DETENTE

Ne nous leurrons pas. Pour sympathique qu’il soit, le premier John Wick tenait plus de la papillote inattendue que du grand film d’action qui a été un peu vite porté aux nues. Grâce au passif de coordinateurs de cascades des metteurs en scène Chad Stahelski et David Leitch, ainsi qu’une série d’idées iconiques et gentiment débiles autour de la mythologie du tueur à gage, le métrage se hissait sans mal au-dessus de la mêlée des actioners à la caméra parkinsonienne.

Une friandise appréciable, mais John Wick : Chapitre 2 avait intérêt à sévèrement muscler son jeu pour s’imposer. Et cela tombe bien, c’est précisément ce que nous propose cette séquelle, qui surpasse son aîné dans tous les domaines. Dès son ouverture, le film s’évertue ainsi à faire passer le chapitre précédent pour un championnat de curling version handisport.

Keanu Reeves, un Néo-tueur sous Speed. 

GUNS ANATOMY

Si bastons et fusillades demeurent aussi félines qu’élégantes grâce à un mélange de chorégraphie et de découpage particulièrement malin, elles sont désormais d’une inventivité extrême. Leur dimension ludique joue ainsi à plein, chaque adversaire, décor ou rebondissement modifiant radicalement l’approche de la mise en scène.

On est ainsi brinqueballés d’un gunfight « muet » au beau milieu d’un centre commercial, à un ballet meurtrier où le crayon impressionne, en passant par une cascade qui s’étale le long d’un impressionnant escalier romain, nous rappelant que les dispositifs les plus simples sont parfois les plus spectaculaires. Encore une fois, les plans longs, impeccablement raccordés, toujours pensés pour mettre en avant les performances physiques et martiales des comédiens, sont la règle.

"J'ai vu de la lumière, alors je suis rentré."

Un principe qui sied particulièrement à Keanu Reeves, toujours aussi plaisant en Droopy cocaïné et revenchard, désormais grand amateur de macaronis. Comptant parmi les rares comédiens hollywoodiens compétents en matière de combats physiques et de maniement des armes, il nous offre une série de cascades et de jonglages pyrotechniques jubilatoires. Il faut voir le fringant quinquagénaire immobiliser un vilain rital à coup de crosse dans le larynx, tout en rechargeant un Benelli encore fumant, avant de lui donner les derniers sacrements à coup de plomb en fusion, pour comprendre combien Chad Stahelski et son comédien maîtrisent la violence cinégénique.

BATTLEFIELD OF THE GEARS OF THE RAID OF WAR

John Wick : Chapitre 2 est un spectacle intense et race, mais surtout un bouillon de culture cinéphile. Son climax aux airs de kaléidoscope est un clin d’œil évident à La Dame de Shangaï, quand une scène de suicide parfaitement inattendue nous promène entre Bava et Lynch, le temps d’un intermède funèbre, qui étonne par sa poésie morbide. Par petites touches, le film lorgne même vers le polar hard boiled issu des années 70 comme le rappelle une conclusion totalement désespérée et paranoïaque, signe que Stahelski, s’il souhaite divertir, ne prend pas son personnage à la légère.


Enfin, les influences de The Raid, dans le tempo comme la mécanique des affrontements, mais aussi du jeu vidéo (les third person shooters innervent littéralement le découpage du film), achèvent de faire du film un délicieux pot pourris d’excellentes influences.

Pour autant, le récit ne se prend jamais trop au sérieux. Toujours prompt à lorgner du côté du cartoon, notamment lors de son ouverture, ou de ses transitions, John Wick évite ainsi le piège du rococo pompier que lui tend son décor romain à base de trahison et de vengeance. Il en va de même pour l’invraisemblable Internationale des Assassins, évoquée dans le premier épisode. Conscient de son potentiel kitsch, le scénario joue cette carte à fond les ballons, bâtissant à la fois un univers distinctif et une fantaisie qui esquive le ridicule.

Ian McShane, la bonne fée des tueurs à gages New Yorkais. 

MENU OVERKILL MAXI BEST-OF

Mais à trop vouloir rassasier son spectateur, John Wick : Chapitre 2 manque de l'étouffer. Ainsi, le film est trop long d’un bon quart d’heure, la faute à une poignée de rebondissements, ou à quelques affrontements, certes virtuoses, mais qui s'étalent trop pour éviter les répétitions. Il est dommage qu’une partie des combats devienne (malgré une pluie d’excellentes idées) très facile à anticiper, en raison de leur longueur excessive.

De même, la franchise étant soudain devenue the place to be, on sent bien que l’inflation de personnages n’est pas toujours justifiée. À l’image du second rôle tenu par Laurence Fishburne, qui rappelle cruellement que le comédien est une pub vivante pour la retraite anticipée, tout en soulignant combien la séquence qui lui est dédiée est parfaitement inutile en termes de narration. Et dans un film d’action, inventif, intense, et plastiquement réussi, passer dix minutes aux côtés d’un éleveur de pigeon sous Tranxene frelaté, c’est long. Très long.


Rien de tout cela n’entame durablement le plaisir ressenti devant ce John Wick survolté, mais ces à côtés dommageables interdisent le film de se hisser au niveau de réussite totale qu’il ambitionnait. Reste un film d’action totalement jouissif, d’une générosité et d’une élégance peu communes.

EN BREF

Ce nouvel épisode, à quelques scories près, s'impose comme un fantasme de film d'action félin et cinéphile.

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