TOURNER SUR L'EAU...
Œuvre séminale s’il en est, Les Dents de la mer est à la fois une œuvre décisive dans la carrière de Steven Spielberg, un repère historique pour l’industrie cinématographique mais en plus et surtout, un grand film de cinéma tout court.
En 1975, Spielberg est porté par le petit succès de Sugarland Express et se met à adapter le roman Les Dents de la mer pour son deuxième film. Bien mal lui en a pris. Sous-estimant la difficulté du projet, Steven Spielberg et Universal s'engagent dans un tournage si chaotique qu'il a bien failli tourner à la catastrophe industrielle et enterrer la carrière de Spielby. Il aura bien fallu le talent incommensurable d’un petit génie pour raconter des histoires passionnantes (et en l’occurrence terrifiante) pour rattraper le coup, emballer un chef d'oeuvre du septième art et convaincre massivement le public.
... FAUSSE BONNE IDÉE
D’abord, la production précipite la date de tournage afin d’éviter une grève des scénaristes. Le tournage commence ainsi le 2 mai alors que le script est fini en catastrophe notamment grâce à John Milius. Ensuite, le tournage en-lui-même s’avère beaucoup plus compliqué que prévu, et le tournage qui devait prendre un peu moins de deux mois prend finalement 159 jours. Le budget initial de 2 millions de dollars est rallongé jusqu’à atteindre 9 millions.
À cela s’ajoute la mauvaise préparation des trois faux requins qui dysfonctionnent, des acteurs et une équipe en proie au mal de mer, brûlés par le soleil et éreintés par des journées de travail atteignant souvent 12h. Il faut en plus ajouter à cela l’alcoolisme effréné de Robert Shaw, des caméras noyées, le mauvais temps et quelques accidents, qui ont notamment failli tuer Richard Dreyfuss, couler le bateau du film ou enfin décapiter un scénariste.
Bref, il y aurait un film à faire sur le tournage en lui-même, mais l’histoire se retournera, malgré tout, de façon brillante : Les Dents de la mer sera un carton monumental, que ce soit pour l’époque ou même par rapport aux standards actuels : 260 millions de dollars amassés aux US, 470 dans le monde entier, soit plus de 2 milliards de dollars actuels.
LA PEUR, TOUT SIMPLEMENT
Pour ce qui est du film en lui-même c'est bien simple, c'est un chef d'oeuvre artistique à tout point de vue. Alliant l'efficacité et l'élégance de la mise en scène "invisible" typiquement Spielbergienne à un récit simple et épuré, Les Dents de la mer est une oeuvre bien plus riche qu'il n'y paraît, qui a donné lieu à plusieurs dizaines de lectures différents : tandis que certains y voient une fable politique post-watergate, d'autres en font une métaphore métaphysique. Quand certains y voient une manière détournée de parler de la sexualité, de la famille et du puritanisme, d'autres y voient un téléscopage de Moby Dick et du Vieil Homme et la mer.
Pour notre part on se contentera humblement de dire que Les Dents de la mer est un film qui n'a pas pris une ride. Sa polysémie fait certes sa richesse, mais ce qui le rend vraiment fascinant, c'est le sentiment de terreur qu'il provoque. Un sentiment toujours aussi particulier, rare et intact, car il met brillamment en scène la confrontation entre l'homme et les abysses. Si ces dernières ont été interprétées de tant de manières différentes, c'est peut être que ce sont autant de prétextes rationnalisants et rassurants pour voiler ce qu'est en réalité le requin dans son essence, indicible et inexplicable : tout simplement la peur elle même.
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