21 novembre 2016

John Wick - David Leitch et Chad Stahelski


Icône de la saga Matrix, Keanu Reeves semble aujourd'hui boudé par les studios. D'où sa présence à l'affiche de John Wick, énième film d'action invitant un acteur en mal de succès populaire à casser des bras et truffer de balles des mafieux russes. 

HARDBALL

Pour apprécier ce film sorti quasiment en catimini, il faudra faire l'impasse sur deux écueils notables. Son scénario tout d'abord, qui collectionne avec une belle inventivité invraisemblables clichés et incohérences gigantesques, ainsi que son manque d'originalité général. Si le vol d'une voiture et le meurtre d'un chiot justifient à vos yeux de massacrer l'équivalent de la population Luxembourgeoise et que vous trouvez parfaitement naturel de planquer vos munitions de secours sous une dalle de béton d'un mètre d'épaisseur, alors vous êtes mûr pour John Wick.

Le début des emmerdes.

RIVÉS SUR KEANU

Ce qui n'est pas une mauvaise nouvelle, tant le film recèle également de bonnes surprises. Ses réalisateurs David Leitch et Chad Stahelski connaissent leur affaire, pour avoir œuvré notamment comme coordinateurs des cascades dans plusieurs dizaines de longs-métrages.

Les deux compères ne cèdent ainsi jamais aux tics actuels de mise en scène et emballent des séquences d'action remarquablement propres et enlevées. Grâce à un montage fluide et un réel travail sur le corps de Reeves, qui n'a peut-être jamais été aussi félin, le film dégage un mélange de hargne et de nostalgie trop rare pour ne pas être apprécié.


Enfin, on n'avait pas vu Keanu Reeves aussi en forme depuis longtemps. Lui qui se plaignait récemment du désamour d'Hollywood à son égard peut être sûr de conserver l'affection du public. Il affiche ici un spleen et une froide résolution qui font de John Wick un Droopy fantomatique, dont les détonations de rage enflamment l'écran. Accompagné par une tripotée de cabotins de première catégorie (Willem Dafoe, Michael Nyqvist, John Leguizamo ou encore Ian McShane) il est pour beaucoup dans le plaisir pris devant le film.


EN BREF

Par endroits stupide et simpliste, John Wick sait aussi se montrer élégant et généreux, emportant ainsi l'adhésion du spectateur venu chercher un honnête film d'action.

14 novembre 2016

Dark City - Alex Proyas



Avant I, Robot avec Will Smith, Prédictions avec Nicolas Cage et Gods of Egypt avec ses machins numériques des enfers, il y avait The Crow et Dark City, deux mémorables diamants noirs et vertigineux, qui ont marqué les années 90 et placé le réalisateur Alex Proyas parmi les grands espoirs de demain. 

CROC NOIR

En 1994, The Crow marque les esprits. L'univers noir a placé le réalisateur parmi les noms à suivre. La mort accidentelle de Brandon Lee sur le tournage a forgé un mythe morbide autour du film. C'était la deuxième réalisation d'Alex Proyas après Spirits of the Air, Gremlins of the Clouds, une odyssée post-apocalyptique barrée et fauchée, très remarquée en 1989. Et le succès critique et public n'est pas passé inaperçu.

Alex Proyas est dans la situation idéale pour concrétiser un projet ambitieux un peu fou. Il décide donc de ressortir une idée développée avant The Crow, en 1990 : l'histoire d'un détective dans les années 40, qui se perd dans les méandres d'une enquête insoluble. Parce que les indices et preuves ne font pas sens, et qu'il s'approche d'un mystère qui va bien au-delà de son esprit cartésien, il dérive vers la folie. En somme, Dark City a commencé comme l'histoire de Frank Bumstead, l'inspecteur incarné par William Hurt dans le film. C'est par la suite que Proyas décidera de recentrer le récit sur Murdoch, un protagoniste plus fort d'un point de vue émotionnel.

Il signe le scénario avec Lem Dobbs et David S. Goyer, dont il a lu et aimé le script Blade avant qu'il ne devienne un film avec Wesley Snipes.


DARK FOLIE

Quelque part entre Metropolis de Fritz Lang et un épisode de La Quatrième Dimension, comme un mix tordu entre le film noir et la science-fiction dure, Dark City est un cauchemar abyssal d'une force encore spectaculaire, près de vingt ans après. Le découpage, d'une précision saisissante, impose d'emblée une vision sensationnelle. Le sens du cadrage, la photographie de Dariusz Wolski que Proyas retrouve après The Crow (il est depuis devenu un collaborateur privilégié de Ridley Scott) et la musique de entêtante de Trevor Jones libèrent en quelques minutes une véritable décharge de cinéma.

Le réveil du héros dans une salle de bain, sous une lumière vacillante, entre un cadavre et un poisson rouge, est un modèle du genre : un parfait démarrage de polar, à la fois classique et diablement excitant dans un décor et un contexte si étranges.


Alex Proyas mixe les références avec une passion et une générosité irrésistibles, composant un fabuleux et mémorable univers aux dimensions étourdissantes. Impossible de ne pas trembler lorsque la vérité est révélée, et que le voile se lève sur cette ville obscure. C'est d'autant plus beau et poétique qu'il illustre la position de démiurge du créateur, capable d'élever ou déplacer des montagnes (ou des immeubles) pour créer un monde au milieu du néant grâce à la force de son esprit.

Les immeubles qui se déplient comme d'effrayants monstres gonflables, les silhouettes longilignes des étranges hommes blancs, leurs cervelles qui cachent des entités venues d'ailleurs, ou même un banc près de l'eau sous un lampadaire : Alex Proyas charge chaque scène d'une somme d'images géniales et mémorables.

Il y a aussi un casting excellent : Rufus Sewell et son regard de créature sauvage, Jennifer Connelly en beauté fragile, William Hurt impeccable dans une partition carrée, et Richard O'Brien (que Proyas a casté après s'être inspiré de son personnage dans The Rocky Horror Picture Show). Mais surtout un Kiefer Sutherland méconnaissable et fantastique en arrière-plan, avec sa face balafrée, son allure de petit monstre boiteux et son souffle court. Une très belle idée de casting du cinéaste, qui envisageait d'abord un acteur plus vieux, type Ben Kingsley.


DOUBLE CUT

Dark City a eu un destin noir. Suite aux habituelles projections test et aux retours mitigés, les producteurs New Line Cinema (une filiale de Warner) et Mystery Clock Cinema ont obligé Alex Proyas à remonter le film. Avec une quinzaine de minutes en moins et une voix off bien explicative pour livrer des clés importantes d'emblée, le résultat était censé être plus grand public.

Erreur : il engrange environ 27,2 millions de dollars dans le monde, dont 14,3 aux Etats-Unis, alors qu'il en a coûté officiellement 27. Le succès phénoménal de Titanic, encore en tête même s'il est sorti plus d'un mois avant, n'aide pas.


En 2008, le réalisateur livre une director's cut de 111 minutes, contre 100 pour la version sortie en salles. Il enlève sans surprise la voix off d'introduction, où Kiefer Sutherland expose quasiment la situation, et rajoute de nombreux dialogues en rallongeant des scènes. L'étalonnage et des effets spéciaux ont également été modifiés.

Interrogé en 2016, Alex Proyas explique qu'au fil des années, il y a eu des discussions sur des possibles suites ou adaptations en série, sans que rien ne se concrétise. Alors que le remake de The Crow patine depuis des années, espérons donc que Dark City reste protégé dans son armure noire et cosmique de film culte.

09 novembre 2016

Zombeavers - Jordan Rubin


C’est quand on pense déjà avoir tout vu surtout dans la nullité et l’horreur qu’arrivent des nouveautés insoupçonnables. Et parmi celles-ci, ce qu’on retiendra en 2014 ce sont les castors zombies de Jordan Rubin dans Zombeavers. L’histoire est simple : un tonneau de produits toxiques est balancé dans une rivière et plouf les castors nagent dedans et en ressortent... différents. Comme toujours dans les films américains, une bande de grands ados assoiffés de fornication et de natation en forêt viennent dans le coin au même moment.

Sauf que cette fois, c’est bien pire. Parce que les ados trouvent tous plus de bêtises réunies à dire dans un plan que nos hommes politiques en un meeting. Parce qu’un ours traine dans le coin. Parce que quand les castors mordent, leurs victimes se retrouvent avec une queue plate et des drôles de dents. Et parce que la séquence post-générique montre un début d’apocalypse que même dans nos cauchemars les plus délirants nous n’aurions jamais pu imaginer. Et c’est ainsi que, derrière les cris stridents des héroïnes naît l’une des grandes fables écologiques de notre génération que même Nicolas Hulot devrait reprendre dans ses prochains discours en nous montrant que nous, pauvres hères inconscients avec nos produits verdâtro-nucléaires, nous courrons à notre perte. Voilà donc l’œuvre philosophico-cinématographique que tout le monde attendait sur la condition de l’homme contemporain et son impossible lutte face aux forces qu’il engendre et qui le mènent à son autodestruction.

Agrougou, je vais te manger !

Comme quoi, pas besoin d’un vrai scénario, de vrais acteurs, de vrais castors et d’un vrai budget. Avec trois fois rien, quelques idées et des peluches dégueulasses, on peut arriver aux mêmes fins que n’importe quel film d’auteurs français et en même temps, faire rire et volontairement. Oui, parce que bon, même si on ne perçoit pas toutes les subtilités éthiques et métaphysiques d’un tel chef-d’œuvre (tout le monde n’est pas parfait, on le respecte comme les conducteurs du camion dans le film respectent les animaux et les jeunes filles en détresse), Zombeavers a des qualités. Et le plus étonnant en fait c’est que le cinéaste trouve le moyen d’atteindre l’impossible : parodier ce qui ne devait plus l’être tant le genre du Teens vs. Zombies était déjà auto-parodique déjà à ses débuts.

En poussant les gags et le n’importe quoi encore plus loin, on finit par tomber dans le Grand-Guignol le plus absurde et voir un cartoon en prise de vues réelles. Et puisque scénariste, acteurs et réalisateur assument tout au point de faire de leur petit coin de paradis l’antre de toutes les blagues éculées, de toutes les morts et résurrections les plus crétines et de toutes les transformations les plus grotesques, tout ce qu’on entendra devant ce film c’est soit un éclat de rire géant soit le néant de consternation des rares spectateurs qui avaient décidé de garder un morceau de leur cerveau avant d’entrer dans la salle ! Dommage pour ces derniers. Nous on a oublié le notre à la naissance, ça aide.


EN BREF

Les castors-zombies seront la plus belle invention du cinéma en attendant le deuxième volet qu’on espère bien être un zomb… (nous ne dirons rien).